Je parle d'un temps que les moins de vingt ans... euh en fait, je parle de l'époque qui a précédé la création de l'Aven francophone, ces années pendant lesquelles l'asexualité n'intéressait pas grand monde, même Bogaert n'avait pas encore publié sa fameuse étude.

Le jour le plus important a plutôt été celui où j'ai découvert la page d'accueil d'Aven, ce devait être lors de l'été 2003. En frontispice de la page figurait la définition de l'asexuel... c'était comme si quelqu'un, me connaissant mieux que moi, avait posté la définition même de ce que j'étais à la vue de tous. Cette impression de soulagement et de satisfaction, énormément d'asexuels l'ont ressentie et cela reste un moment marquant. C'est la fin du sentiment de solitude qui nous a accompagnés toute notre vie, la fin de l'auto-torture à se demander si on doit se forcer à faire comme tout le monde ou oser vivre selon sa nature.

Il m'a fallu quelques mois avant de décider de m'inscrire sur Aven. Ce n'était pas évident de faire une action qui s'apparentait à une sorte de coming out, une façon d'officialiser son asexualité. Mais je ne suis cependant restée que brièvement sur le forum international. Fin 2003, j'étais l'unique Française inscrite, et bien que certains asexuels anglophones étaient aussi francophones, je me sentais un peu isolée. Qui plus est, déjà à l'époque, nous devions subir les provocations de trolls. Déclencher de l'hostilité uniquement parce qu'on disait ne pas ressentir le besoin d'avoir des relations sexuelles... cela était nouveau et difficile à gérer.

Je suis revenue sur Aven quelques mois plus tard, suite à une affirmation péremptoire d'une personne de mon entourage, selon laquelle soit on avait du sexe et on était épanoui, soit on en manquait et on était malheureux. Après l'avoir réfutée, je m'étais dit qu'il était temps d'aller voir ce que devenaient mes compagnons asexuels. La visibilité ayant progressé, un forum en français venait juste d'être créé, je pouvais enfin discuter avec d'autres asexuels francophones.