En effet, j'ai été atteinte d'anosmie (privation du goût et de l'odorat) pendant ces quelques jours, ce qui a quelque peu pesé sur mon moral. Ainsi, dans l'incacité de sentir le goût des aliments, je me suis surprise à avoir des pensées aussi profondes que "Oh la la, je ne pourrais jamais vivre ainsi !" et "Il me manque une dimension de la vie, quelle tristesse alors !" Exclamations qui m'ont semblé bien familières... car c'est le même genre de choses qu'on entend quand un sexuel découvre l'existence de l'asexualité. Je ne vais pas poursuivre dans le ridicule de la comparaison sexualité/alimentation, que je laisse à d'autres, mais rebondir sur la difficulté de se représenter une vie dénuée d'une chose que l'on connaît.

Je n'ai jamais ressenti d'attirance sexuelle pour autrui, je n'ai donc aucune envie de faire l'amour avec quiconque et je n'en suis pas malheureuse. Cette notion est difficile à comprendre et à accepter pour un sexuel. Capable de ressentir de l'attirance sexuelle, il ne peut se représenter son absence. Une vie sans cette dimension va lui être impossible à concevoir, ce qui est normal s'il lui arrive de régulièrement connaître (et on le lui souhaite) la félicité sexuelle. Pour se le représenter, il va se projeter dans la situation d'un asexuel et s'imaginer n'ayant jamais l'envie de faire l'amour.

C'est une perspective si effrayante qu'il en conclura que l'asexualité est impossible et que les asexuels ont besoin de se soigner ou alors ils n'ont pas rencontré la bonne personne ou alors c'est juste une phase, tout mais pas quelque chose de normal. Et pourtant les asexuels sont heureux quand ils ne sont pas obligés de faire l'amour, aussi épanouis que les sexuels ayant une riche vie sexuelle.